Corps étranger des voies aériennes

mise à jour
Mise à jour 15/10/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • Il s’agit de l’ensemble des manifestations liées à l’inhalation accidentelle d’un corps étranger (CE) dans les voies aériennes.
  • L’obstruction des voies respiratoires par un corps étranger (Foreign Body Airway Obstruction – FBAO) est une cause rare mais potentiellement réversible de mort accidentelle.
  • Dans la mesure où les victimes sont initialement conscientes et qu’elles réagissent, il est généralement possible d’intervenir rapidement.
  • L’obstruction aiguë accidentelle des voies aériennes supérieures (VAS) par un corps étranger (CE) se traduit le plus souvent par un syndrome de pénétration (SP).1

HISTORIQUE

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PHYSIOPATHOLOGIE

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

A) Deux pics de fréquence dans la vie 

1) Enfant avant l’âge de trois ans

  • Les accidents liés aux c

    orps étrangers trachéobronchiques 

    et laryngés

     surviennent dès l'âge de la préhension (6 à 9 mois) et atteignent un pic au cours de la deuxième année. Le risque diminue ensuite pour de nouveau augmenter vers l'âge de 6-8 ans (jeux).
  • Chez l'enfant, c'est le petit garçon qui paie le plus lourd tribut (2/3 des cas).1

  • Le c

    orps étranger

     le plus fréquent est la cacahuète ou d’autres graines d’oléagineux que l’enfant met en bouche lors de l’apéritif familial.
  • La prépondérance de CE enclavés à droite, observée chez l’adulte, n’est pas retrouvée chez l’enfant car les bronches principales droite et gauche sont symétriques chez l’enfant.

2) Chez le sujet âgé

L’inhalation accidentelle d’un CE est le plus souvent due à la défaillance des mécanismes de protection des voies aériennes :

Chez l'adulte, la fréquence de l'accident augmente avec l'âge et survient surtout à partir de la septième décennie.1 1 L'inhalation est en rapport avec un mauvais état dentaire, des troubles de déglutition, en particulier chez des adultes institutionnalisés (maison de retraite, établissement psychiatrique). L'arriération mentale et la maladie de Parkinson sont fréquemment associées. Enfin, la prise de médicaments (barbituriques) ou la consommation d'alcool favoriseraient ces accidents asphyxiques.

On observe deux tableaux :

  • tableau d’asphyxie aiguë survenant notamment lors de l’inhalation accidentelle de morceaux de viande chez des sujets dont la dentition est mauvaise (le CE s’enclave en général au travers du larynx)
  • tableau de pneumonie à répétition ou de suppuration bronchique chronique en rapport avec l’enclavement bronchique distal d’un CE de plus petite taille.

3) Rarement chez l’adulte et adolescent 

L’inhalation accidentelle du CE est rare. Elle complique :

  • Soit un accident avec traumatisme facial (inhalation de fragments dentaires)
  • Soit des activités de bricolage au cours desquelles le sujet inhale accidentellement des objets (clous) qu’il tient entre ses dents. Certaines professions (couturières, tapissiers) y sont plus exposées.
  • Soit un trouble de conscience (crise convulsive, coma, intoxication éthylique aigue...)

En raison de la disposition anatomique des bronches principales (la droite est plus verticale et son diamètre est plus gros), les CE s’enclavent plus fréquemment à droite chez l’adulte.1

FACTEURS DE RISQUES

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EXAMEN CLINIQUE

A) le Syndrome de pénétration

  • L'irruption dans les voies aériennes d'un CE est toujours marquée par un syndrome clinique de grande valeur diagnostique : le syndrome de pénétration.
  • Quel que soit le CE, ce syndrome existe toujours, même s'il est plus ou moins intense.
  • Le tableau est souvent typique et frappe l’entourage quand il se produit en présence de témoins, mais il peut être méconnu surtout chez l'enfant jeune, seul ou chez l'adulte incapable de s'exprimer clairement.
  • Il correspond à la phase où le CE est mobile dans les voies aériennes 1

il se caractérise par :

  • La survenue brutale chez un individu antérieurement sain à l’occasion d’un repas ou d’un jeu
  • d'un accès de suffocation avec signes de lutte (tirage), hypoxémie (cyanose) et cornage (reprise inspiratoire difficile et bruyante). Une apnée de quelques secondes est possible.
  • suivi immédiatement de quintes de toux violentes, expulsives et angoissantes responsable de pétéchies sous-cutanées  et muqueuses.

  • Le plus souvent résolutif en quelques secondes

B) au décours du syndrome de pénétration

1) Expulsion du CE des voies aériennes

  • l’examen clinique respiratoire est normal
  • les pétéchies sous-cutanées (visage et tronc) et muqueuses (bouche, conjonctives) sont fréquentes et témoignent de la violence des épisodes de toux. Elles sont très évocatrices d’un syndrome de pénétration quand on n’y a pas assisté directement

2) Enclavement du CE dans les voies aériennes

a) Les bruits évocateurs d'une obstruction des voies aériennes sont :

  • Inspiratoire comme un stridor (bruit aigu continu anormal) ou un cornage = obstacle glottique ou supra-glottique
  • Aux deux temps respiratoire = obstacle trachéal
  • Expiratoire comme un wheezing (bruit relativement aigu à type de sifflement)  = obstacle sous-trachéal

b) Signes cliniques de localisation

  • Le corps étranger nasal enclavé, se traduit par : bradypnée inspiratoire, inspiration buccale, ronflement
  • Le corps étranger laryngé enclavé, se traduit par un tirage inspiratoire associé à une dysphonie, voire une aphonie.
  • Le corps étranger trachéal est le plus souvent mobile. Il se traduit par une bradypnée inspiratoire et expiratoire, surtout variable, et entrecoupée de quintes de toux coqueluchoïde. Celles-ci peuvent être déclenchées par des changements de position.

  • Le corps étranger bronchique :

    • enclavement proximal (bronches principales) surtout chez l’enfant : diminution du murmure vésiculaire à l’auscultation du côté où le CE est enclavé et wheezing du côté où le CE est enclavé

    • enclavement distal (bronches lobaires ou segmentaires) surtout chez l’adulte asymptomatique

    • L'anatomie des bronches principales adultes explique une fréquence plus importante des CE à droite (bronche plus large et verticale qu'à gauche). Cette particularité n'est pas retrouvée chez l'enfant.1

3) Corps étrangers asphyxiques

  • Il s'agit d'un CE sus-laryngé obstructif ou d'un CE trachéal bloqué secondairement dans la région sous-glottique.
  • Le tableau clinique est dramatique et autorise toutes les manœuvres d'extraction qui sont formellement contre-indiquées dans les autres cas.
  • Une dyspnée laryngée majeure qui correspond à une obstruction quasi complète nécessite un traitement d'extrême urgence, l'œdème laryngé surajouté pouvant en quelques minutes compléter l'obstruction.1

C) Chronicisation du CE

Le syndrome de pénétration peut être passé complètement inaperçu, négligé ou oublié. Il faut savoir le rechercher à l’interrogatoire. L’absence de syndrome de pénétration à l’interrogatoire n’élimine pas le diagnostic de CE.

Le diagnostic de CE chronique doit être recherché devant les manifestations persistantes suivantes :

  • Manifestations respiratoires chroniques ou récidivantes ne répondant pas au traitement habituel  : toux chronique, bronchite sifflante, bronchorrhée, hémoptysie.
  • Anomalies radiologiques persistantes dans le même territoire :
    • atélectasie ou hyperclarté unilatérale
    • pneumopathies récidivantes dans le même territoire
    • pleurésie
    • abcès pulmonaire
    • les bronchectasies sont la complication à distance la plus fréquente des CE des voies aériennes méconnus. Elles sont généralement localisées et peuvent se développer plusieurs années après l’inhalation du CE qui est passée inaperçue.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

A) Radiographie de thorax

  • Elle ne doit jamais retarder le traitement d'urgence.
  • La radiographie de larynx (face et profil) n'a d'intérêt que lorsque l'on suspecte un CE laryngé.

1) En cas d’enclavement dans les voies aériennes : syndrome de pénétration récent sans signe de gravité

  • La radiographie de thorax est le plus souvent normale
  • Dans certains cas, elle permet cependant de localiser le CE radio-opaque (10% seulement des CE sont radio-opaques) : dent, caillou, objet métallique...
  • Très rarement, un objet non radio-opaque cerné par l'air peut être suspecté. Les troubles ventilatoires sont, bien entendu, recherchés : atélectasie pulmonaire, lobaire ou segmentaire (souvent lobaire inférieure droite), mais c'est surtout l'emphysème obstructif qui est évocateur du diagnostic (hyperclarté d'un lobe ou d'un poumon avec refoulement scissural ou médiastinal d'importance variable qui se majore en expiration : hyperinflation unilatérale par piégeage

  • L'absence de signes évocateurs ne peut écarter le diagnostic de CE et à l'inverse, l'existence de signes radiographiques en faveur d'un CE ne signifie pas toujours sa présence au niveau des voies aériennes.1 1

2) Pathologie respiratoire traînante sans syndrome de pénétration connu

  • Les images décrites précédemment peuvent également être ici observées. Cependant, il s'agit le plus souvent d'une atélectasie persistante ou récidivante, plus rarement d'un abcès isolé du poumon. Dans ces cas, la tomodensitométrie thoracique peut être indiquée.1 Elle permet de visualiser un CE passé inaperçu, mais également de mieux apprécier le retentissement sur le parenchyme pulmonaire (foyers postérieurs) ou la plèvre (épanchement liquidien ou aérique localisé). L'imagerie par résonance magnétique pourrait permettre la visualisation de CE graisseux (cacahuètes) au niveau des bronches périphériques.1 1
  • Au total, l'examen radiographique demeure indispensable et utile sous réserve que la sécurité du patient soit toujours préservée, en particulier dans le cadre de l'urgence.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

A) Présentation clinique aiguë ou subaiguë : 

  • C’est le diagnostic d’une détresse respiratoire aiguë à début brutal avec tirage et cornage
  • Devant le syndrome de pénétration : Epiglottite aiguë (fièvre élevée, voix étouffée, hypersalivation, toux absente, bouche demi-ouverte, majoration de la dyspnée au décubitus)
  • Devant une infection respiratoire basse : Pneumonie aigue communautaire ou bronchite aiguë sifflante chez un enfant de moins de 3 ans sans antécédents

B) Présentation chronique ou récidivante

1) Diagnostic d’un trouble de ventilation (atélectasie) persistant

  • Tumeur bronchique obstructive 
  • Sténose bronchique congénitale ou acquise

2) Diagnostic d’une infection respiratoire récidivant dans le même territoire 

  • Tumeur bronchique obstructive
  • Foyer de bronchectasies 1

ÉTIOLOGIE

  • La cacahuète demeure l'ennemi public n° 1. Dans la plupart des statistiques, elle représente plus de 50 % des corps étrangers inhalés chez l'enfant.1 1 1 Les autres végétaux, oléagineux en particulier (noix, noisettes, amandes) représentent 20 à 25 % des inhalations accidentelles. Les objets métalliques (aiguilles) sont en nette régression remplacés par les objets plastiques (15 %) (jetons, perles).
  • Aux États-Unis, les hot dogs, comme les fragments de ballon de baudruche, seraient responsables de plusieurs décès par asphyxie.1
  • Chez l'adulte, les aliments représentent la majorité des corps inhalés. Il s'agit avant tout de viande, mais aussi de légumes (haricots) voire de fruits (banane). Les prothèses et fragments dentaires demeurent également en bonne place parmi ce catalogue.1 L'inhalation de CE liée à la chirurgie orale ou maxillo faciale a été décrite,1 de même que la position intrabronchique de sonde œsogastrique.

COMPLICATIONS

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PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Quantifier le niveau d’OVA

  • Il convient de différencier une obstruction totale d’un obstruction partielle des VAS.
  • Il est important de poser cette question à la victime consciente : « êtes-vous en train d’étouffer ? »
  • Si la victime est incapable de parler (ou fait oui de la tête),tousse de façon inefficace, étouffe ou ne parvient pas respirer, il s’agit d’une obstruction TOTALE. Sans gestes de secours, le patient va devenir bleu (cyanose) puis va perdre connaissance et faire un arrêt cardio-respiratoire.
  • Si la victime est capable de parler, de tousser et de respirer, il s’agit d’une obstruction PARTIELLE.

B) Conduite à tenir en cas d’obstruction partielle

 

  • Toutes manœuvres intempestives risque de compléter l’obstruction.
  • La toux, si elle est efficace, est le moyen le plus rapide et le plus sûr de retourner à l’état de base.
  • Il convient de laisser le patient dans la position dans laquelle il se trouve.
  • Il ne faut pas chercher à retirer le CE.
  • Le risque d’étouffement est majoré par l’anxiété du patient, il faut donc le rassurer et l’inciter à tousser.
  • L’évolution se fait le plus souvent vers la résolution (expulsion du CE) ou parfois par la totalisation de l’obstruction.

C) Conduite à tenir en cas d’obstruction totale :

1) Le patient est conscient

a) Méthode d’Heimlich :

  • Attention cette technique n'est pas applicable chez l'enfant de moins de 8 ans et à fortiori chez le nourrisson de moins de 2ans.

b) Points clés :

2) Le patient est inconscient

  • Si le patient devient inconscient il convient de débuter une RCP immédiatement après activation de la chaîne de survie (appel centre 15).
  • Une RCP de base est recommandée (comprenant la mise en place du DSA).
  • L’oxygénation et la ventilation du patient seront complété par une tentative d’extraction du CE lors d’une laryngoscopie par une pince de magyl.
  • Dans tous les cas il ne faut pas tenter de manœuvre d’extraction si elles se font au dépend du massage cardiaque.

 

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

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PRÉVENTION

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SURVEILLANCE

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Cas particuliers

A) Spécifités pédiatriques

1) physiologie

  • Les jeunes enfants sont plus sensibles que les adultes à l'obstruction des voies aériennes.
  • Chez les bébés, on observe une augmentation temporaire du volume des cavités pharyngienne et laryngienne.
  • Au cours de cette courte période, l'aliment ou le corps étranger peut être aspiré vers le bas et se loger dans les voies aériennes.
  • Les voies aériennes des bébés étant plus petites que celles des adultes, elles seront plus facilement obstruées par un corps étranger rond et comprimable, dont le diamètre est inférieur à 32mm.
  • Les bébés n'ont pas de dents et les jeunes enfants n'ont pas les incisives et les molaires qui permettent de mâcher ou de broyer adéquatement les aliments.
  • Chez l’enfant de plus d’un an, les gestes sont les mêmes que pour l’adulte mais adaptés en puissance à la corpulence de l’enfant.
  • Dans tous les cas il faut respecter la toux.
  • Pour les nourrissons de moins d’un an il faudra appliquer la méthode de MOFENSON.
  • Les compressions abdominales sont déconseillées, les organes intra-abdominaux comme le foie et la rate risquent des lésions importantes car ils sont proportionnellement plus gros que chez l’adulte.

2) Méthode De Mofenson 

B) Autres cas

  • Pour les femmes enceintes et les personnes obèses, effectuez des compressions thoraciques au lieu de compressions abdominales car les compressions abdominales sont plus difficiles à réaliser ou traumatique.
  • L’obstruction des voies aériennes par infection (épiglottite, croup viral, …) nécessite une prise en charge hospitalière en URGENCE médico ± chirurgicale. Les mesures symptomatiques (oxygénothérapie à haut débit) et le transfert en urgence sont les priorités. Le patient doit être positionné dans la position la plus adaptée à sa respiration (demi-assis le plus souvent)
  • L’obstruction des voies aériennes par œdème de QUINCKE nécessite une prise en charge spécifique : ANAPHYLAXIE ET ANGIO-OEDÈME

Résumé

  • Le pronostic dépend de la reconnaissance des signes de « gravité » et « des gestes de premiers secours ».
  • Reconnaître les signes précurseurs d’un syndrome de pénétration améliore la survie.
  • Le « principe de précaution » en cas de toux efficace doit être respecté.
  • Les mesures de base sont primordiales : oxygénation au masque et maintient position demi-assise.
  • Tout syndrome de pénétration nécessite une exploration et son transfert dans une structure adéquate.

RÉFÉRENCES