Cirrhose

mise à jour
Mise à jour 16/01/2021

INTRODUCTION/GÉNÉRALITÉ

  • La cirrhose est définie histologiquement par une désorganisation diffuse de l'architecture hépatique, avec une fibrose annulaire délimitant des nodules d'hépatocytes en amas, appelés nodules de régénération.1
  • La cirrhose est le stade majeur du développement de la fibrose hépatique induite par la plupart des maladies chroniques du foie.
  • Toutes les maladies chroniques du foie, quelles qu'en soient les causes, peuvent aboutir à la constitution d'une cirrhose lorsque leur évolution est prolongée. Habituellement, la cirrhose ne se contitue qu'après au moins 10 à 20 ans d'évolution 1 d'une maladie chronique mais cela varie en fonction de l'étiologie de la cirrhose.
  • Des lésions histologiques plus ou moins spécifiques peuvent être associées à la cirrhose telles qu'une stéatose, un infiltrat inflammatoire ou des signes histologiques spécifiques de la maladie causale.1

HISTORIQUE

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PHYSIOPATHOLOGIE

A) Physiopathologie de la fibrose hépatique

  • La fibrose hépatique peut accompagner toutes les hépatopathies chroniques caractérisées par une agression hépatobiliaire et/ou une inflammation chronique. Chez les patients alcooliques et obèses, elle est souvent précédée par une stéatose, correspondant à l’accumulation de graisse dans le foie.
  • L’agression chronique du foie provoque une destruction de cellules hépatiques et une augmentation des constituants de la matrice extracellulaire (MEC). La fibrose hépatique est une réponse « de cicatrisation » excessive à cette agression. Elle résulte de l’accumulation de constituants nouveaux de la MEC due à un déséquilibre entre la synthèse, le dépôt et la dégradation de ses constituants.
  • Dans le foie normal, la MEC est surtout limitée à la capsule, autour des gros vaisseaux et dans les espaces portes. Il y existe un équilibre entre la fibrogenèse et la fibrolyse. Au cours des hépatopathies chroniques, sous l’effet des agressions, la fibrogenèse dépasse la fibrolyse ce qui conduit à une fibrose pathologique avec des modifications significatives quantitatives et qualitatives qui surviennent dans la MEC, responsables d’une désorganisation de l’architecture hépatique à la fois sur le plan anatomique et fonctionnel. Au cours des hépatopathies virales et biliaires, la fibrose hépatique est à point de départ portal, tandis qu’elle est centrolobulaire au cours des hépatopathies alcooliques.
  • Le remodelage de la MEC est régulé par une famille d’enzymes, les métalloprotéinases (MMP) et leurs inhibiteurs tissue inhibitor of metalloproteinases (TIMP). Les métalloprotéinases ont pour rôle la dégradation de la MEC. Au cours des hépatopathies chroniques chez l’homme, il existe une diminution de synthèse d’une famille de métalloprotéinases, les collagénases, par les cellules étoilées du foie (CEF) ainsi qu’un défaut de leur activation. S’y associe une inhibition de leur activité par les TIMP. Il en résulte une diminution de la dégradation du collagène fibrillaire interstitiel.
  • La cirrhose correspond au stade terminal du développement de la fibrose. Elle est alors diffuse et mutilante, c'est-à-dire qu'elle détruit l'architecture normale du foie. Ainsi, on n'observe plus d'espace porte dans le foie cirrhotique.
  • Pour compenser la destruction hépatocytaire, il existe une régénération des hépatocytes restants, sous la forme de nodules de structure anormale (nodules de régénération). Les hépatocytes au sein de ces nodules ont perdu leurs connexions vasculaires et biliaires normales.

B) Conséquences physiopathologiques de la fibrose hépatique

  • Les sinusoïdes jouent un rôle important dans les échanges entre le sang et les hépatocytes. La fibrose périsinusoïdale va avoir un rôle important en capillarisant le sinusoïde hépatique. En effet, la fibrogenèse, processus initiateur de la cirrhose, conduit, en outre, à une accumulation excessive de MEC dans le parenchyme hépatique, à une distorsion architecturale et à la formation de nodules de régénération.1 S’y associent des modifications phénotypiques des cellules endothéliales qui perdent leur fenestration entraînant: une rigidification des sinusoïdes1 et un dépôt de collagène dans l’espace de Disse.1 L’ensemble de ces modifications anatomiques entraîne une augmentation des résistances intrahépatiques par le biais, principalement, d’un phénomène compressif.
  • Ainsi, le développement excessif de la fibrose a pour conséquences :
    • une diminution de la perméabilité sinusoïdale
    • une diminution de la perfusion hépatocytaire due au développement d’une circulation collatérale
    • une HTP par augmentation des résistances intrahépatiques.1

C) Physiopathologie de l'insuffisance hepatocellulaire

  • Elle est due à la nécrose des hépatocytes qui diminue leur masse fonctionnelle, et à la diminution des échanges entre hépatocytes et système vasculaire.
  • Entraîne une diminution des 3 fonctions hépatocytaires :
    • Fonctions de synthèse : baisse de production d'albumine et des facteurs de coagulation.
    • Fonctions d'épuration : diminution du catabolisme des médicaments ayant un métabolisme hépatique 
    • Fonction biliaire : cholestase avec ictère à bilirubine mixte ou conjuguée

D) Physiopathologie de l’hypertension portale

  • L’hypertension portale est définie par une augmentation de la pression dans le système porte. Elle est estimée indirectement par un gradient de pression portocave/porto-sus-hépatique (GPH) (entre la veine porte et la veine cave) supérieur à 5mmHg.1
  • Des causes plus rares peuvent être responsables d’HTP sans cirrhose :
    • par bloc infra-hépatique (thrombose porte, compression extrinsèque de la veine porte
    • par bloc intra-hépatique (maladies de la micro-circulation intrahépatique, bilharziose, intoxication vitamine A, etc.)
    • bloc supra-hépatique (thrombose des veines sus-hépatique ou syndrome de Budd-Chiari).1
  • Au cours de la cirrhose, l’HTP résulte de 2 phénomènes : une augmentation du flux portal et une augmentation des résistances intrahépatiques. 
  • L’augmentation des résistances est liée :
    • d’une part à un phénomène structurel : compression vasculaire secondaire à la présence de nodules de régénération
    • d'autre part à un phénomène dynamique : Il existe au niveau intrahépatique une augmentation de la production locale d’endothéline, un peptide vasoconstricteur1 et un déficit de la production de NO une substance vasodilatatrice1 1 qui pourraient participer à l’augmentation des résistances intrahépatiques et ainsi de la pression portale.1
  • De plus, l’HTP est caractérisée par une hypercinésie circulatoire associée à une vasodilatation artérielle splanchnique et systémique, en partie liée à une production excessive de NO, une augmentation de l’index cardiaque et une diminution des résistances vasculaires systémiques1 qui entretiennent et aggravent l’hypertension portale en augmentant le débit sanguin portal.
  • L’HTP peut être évaluée au moyen du gradient de pression hépatique, qui consiste en une mesure de la pression dans les veines sus-hépatiques de 2 façons : en positionnant le cathéter dans une veine sus-hépatique (pression sus-hépatique libre), et en poussant le cathéter jusqu’aux sinusoïdes ou en gonflant un ballonnet (pression sus-hépatique bloquée). Le gradient de pression hépatique est la différentielle entre les pressions sus-hépatiques bloquée et libre. Cette mesure part du postulat selon lequel la pression sus-hépatique bloquée reflète la pression dans les sinusoïdes, et n’est donc pas applicable en cas d’HTP pré-sinusoïdale. 1
  • Une augmentation du GPH au-delà de 10mmHg est nécessaire au développement des VO.1 Plusieurs études ont suggéré que le risque hémorragique par rupture de varices est absent quand le GPH est inférieur à 12 mmHg.1 1 Au-delà de ce seuil, une hémorragie peut survenir, mais il n’existe pas de corrélation entre la valeur du GPH et le risque de survenue de l’hémorragie.
  • Conséquences de l'HTP :

    • Splénomégalie et hypersplénisme : séquestration et destruction accrue dans la rate des plaquettes, des hématies et des polynucléaires neutrophile.

    • Formation de voies de dérivations anormales (= shunts) entre les systèmes porte et cave, responsable de la formation de collatérales que sont les varices œsophagiennes (VO) ou digestives ectopiques et la circulation collatérale abdominale.

E) Physiologie de l'ascite

  • La cirrhose alcoolique est responsable de changements architecturaux au sein des vaisseaux du parenchyme hépatique. Ces modifications augmentent ainsi les résistances intrahépatiques1 et constituent un « bloc intrahépatique » responsable de l’apparition progressive d’une hypertension portale, de l’augmentation de la circulation veineuse collatérale et de la constitution d’une dérivation portosystémique.1 1 1 1
  • Par ailleurs, la production de différents métabolites (notamment monoxyde d’azote par le biais d’une augmentation importante de la NO synthétase dans la cirrhose) agissent en entraînant la vasorelaxation du système artériel splanchnique. Le débit artériel du territoire porte augmente progressivement mais en amont cela correspond à une diminution du volume artériel efficace avec diminution de la pression artérielle.
  • S’installe alors un syndrome d’hypercinésie circulatoire caractérisé par une augmentation du débit cardiaque, alors que les résistances vasculaires systémiques sont diminuées.1 1 La diminution des résistances périphériques et de la volémie efficace entraîne l’activation des barorécepteurs artériels, stimule le système vasoconstricteur (système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) et système sympathique) et augmente les mécanismes de rétention hydrosodée aboutissant à la constitution d’une ascite.1 1 1
  • Cette rétention hydrosodée est aussi responsable d’une augmentation de la volémie qui alimente le syndrome hyperkinétique en augmentant la précharge ventriculaire ce qui aboutit à l’augmentation du débit cardiaque.1 1 Au fur et à mesure de la progression de la cirrhose, la circulation splanchnique est de moins en moins sensible et de moins en moins réactive aux systèmes neurohumoraux vasoconstricteurs qui sont eux de plus en plus stimulés.
  • La suractivation des systèmes vasoconstricteurs devient ainsi progressivement délétère sur le rein et aboutit à la dégradation de la pression de perfusion rénale par ischémie rénale progressive avec apparition d’une insuffisance rénale et d’un syndrome hépatorénal participant d’autant plus la rétention hydrosodée.1 1 1

F) Physiologie du syndrome hépatorénal.

  • La vasodilatation splanchnique et systémique et la diminution relative du débit cardiaque sont à l’origine d’une hypovolémie relative avec une diminution du volume sanguin « effectif ». Il en résulte une diminution de la perfusion rénale et de la pression artérielle moyenne responsables d’une diminution de la perfusion rénale avec une insuffisance rénale fonctionnelle définissant le syndrome hépatorénal (SHR).1

ÉPIDÉMIOLOGIE

  • La prévalence de la cirrhose en France est estimée à environ 2 500 par million d’habitants (soit 0,3 %), soit environ 200 000 personnes qui sont atteintes de cirrhose en France, dont 30% ont atteint le stade sévère de la maladie.1
  • L'incidence est de 150 à 200 cas par million d’habitants/an
  • La mortalité est de l’ordre de 15 000 décès/an.
  • Le diagnostic survient en moyenne à l’âge de 50 ans.
  • La cause la plus fréquente est l’alcool (75 % des situations), suivi de l’hépatite C, puis la stéato-hépatite non alcoolique (NASH), pathologie émergente liée à « l’épidémie » d’obésité (15 % des Français sont obèses et 30 % en surpoids).

Tests non invasifs et dépistage

  • Des tests non invasifs de fibrose ont été développés pour un dépistage précoce. Ils sont proposés aux populations cibles dont le bilan hépatique est perturbé, pour adresser les patients les plus « suspects » en milieu spécialisé et confirmer le diagnostic.
  • En cas de suspicion de cirrhose compensée, des méthodes non invasives peuvent être mises en œuvre en 1re intention : tests biologiques sanguins (FibroTest®, Fibromètre®, Hepascore®...) ou élastométrie impulsionnelle (FibroScan®).

A) Principaux tests clinico-biologique non invasifs

Les tests sanguins donnent une estimation semi-quantitative du degré de fibrose.Le score APRI, le NAFLD fibrosis score et le FIB-4 sont faciles à évaluer en consultation grâce aux outils électroniques disponibles sur internet (nafldscore.comwww.cregg.orgwww.mdcalc.com). Les autres, plus performants, nécessitent une simple prescription sur ordonnance, mais la formule est complexe et oblige à un calcul en laboratoire (rendu très rapidement). Le résultat des tests est habituellement exprimé par un score allant de F0 (pas de fibrose) à F4 (cirrhose). Lorsqu’il est supérieur à F2, il doit inciter à prendre un avis auprès d’un hépatologue. Ces contrôles peuvent être répétés tous les 1 à 3 ans pour le dépistage et le suivi de la fibrose. L’interprétation de leur résultat tient compte de l’étiologie de la cirrhose, car elle influence leurs paramètres diagnostiques. Mesurés sur des indicateurs sériques ou clinico-biologiques, ils excluent une cirrhose, avec une valeur prédictive négative de fibrose > 95 % chez les patients alcooliques et > 90 % en cas de NASH. Les plus performants (FibroTest et FibroMètre) sont aussi les plus coûteux et ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie dans ces 2 indications. Leur capacité diagnostique est meilleure que ce soit pour exclure ou pour affirmer une cirrhose liée à une hépatite virale B ou C. 

  • Score biologique APRI : développé pour la pathologie alcoolique, calculé par la formule (ASAT x 100/normale de l’ASAT)/plaquettes. 
  • Le NAFLD fibrosis score : calculé à partir de l’hémogramme, de l’âge, de l’IMC, d’un(e) hyperglycémie/diabète, des ASAT/ALAT, plaquettes et albumine.
  • Le FIB-4, généré pour la NASH : est évalué à partir de l’hémogramme, de l’âge, des ASAT/ALAT et plaquettes.
  • FibroTest : test biologique faisant intervenir le dosage sanguin de 6 marqueurs (alpha-2-globuline, haptoglobine, apolipoprotéine A1, bilirubine totale, GGT, ALAT).
  • FibroMètretest clinico-biologique prenant en compte plusieurs paramètres (poids, plaquettes, ASAT, ALAT, ferritine, glycémie, acide hyaluronique, TP). 

B) Elastométrie hépatique

  • L’élastométrie hépatique (FibroScan) et l’élastométrie couplée à l’échographie utilisent les ultrasons pour mesurer l’élasticité du tissu hépatique, sa dureté et son atténuation ultrasonore, par un appareil dédié. La seconde technique permet en outre de mesurer le CAP (Controlled Attenuation Parameter), marqueur de quantification de la stéatose.  Avant d'interpréter les résultats de ces tests, il faut en vérifier le caractère applicable ou non. En ce qui concerne le FibroScan®, les valeurs d'élasticité au-delà desquelles le diagnostic de cirrhose est retenu varient en fonction de la cause de la maladie du foie.
  •  L’élastométrie par FibroScan semble être la méthode la plus fiable pour écarter l’hypothèse d’une cirrhose secondaire au virus de l’hépatite C (VHC). Le cut-off  (seuil à partir duquel on considère une atteinte cirrhotique) est de 12,5 kPa (infections actives) ou de 9,5 kPa (guéries). Dans la maladie alcoolique, sa performance diagnostique est très bonne chez les patients sevrés. Néanmoins, la consommation excessive d’alcool et l’élévation des transaminases augmentent l’élasticité. Il est donc important d’interpréter le chiffre d’élastométrie à la lumière du bilan biologique et d’une intoxication éthylique sevrée ou non.1

EXAMEN CLINIQUE

  • L'examen clinique peut être normal. Lorsque la cirrhose est avancée, le diagnostic devient évident.
  • Le véritable enjeu est le dépistage au stade précoce, lorsqu’elle est bien compensée et asymptomatique, afin d’en prévenir les complications et d’en améliorer le pronostic.

A) Palpation du foie

  • La palpation du foie peut être gênée par la présence d'une ascite ou une obésité. 
  • Hépatomégalie mais le plus souvent le foie est de taille normale ou atrophique. Un foie très atrophique (de taille diminuée) peut ne pas être palpable.
  • Surface antérieure irrégulière et dure
  • Bord inférieur dur et tranchant (excellent signe de cirrhose)

B) Signes d'insuffisance hépatocellulaire :

  • Angiomes stellaires : petit anévrisme artériolaire sous-cutané formant un point central autour duquel irradient de petits vaisseaux en étoile. Il disparaît à la vitropression pour réapparaître du centre vers la périphérie lorsque l'on relâche la pres­sion. Les angiomes prédominent sur la partie supérieure du thorax, le visage et les membres supérieurs = territoire cave supérieur. Non spécifiques de la cirrhose car observés chez la femme enceinte, les adolescents et adultes jeunes, les patients sous traitement œstroprogestatif
  • Érythrose palmaire (coloration rouge des éminences thénar et hypothénar) et plantaire.
  • Ongles blancs (disparition de la lunule), hippocratisme digital (non spécifique).
  • Ictère cutanéo-muqueux (conjonctives).
  • Fœtor hepaticus
  • Inversion du cycle nycthéméral, astérixis, confusion, voire troubles de conscience (signes évocateurs d'encéphalopathie hépatique).
  • Hypogonadisme (hypofertilité et stérilité pour les deux sexes, atrophie des organes génitaux externes, gynécomastie et dépilation chez l'homme, spanio- ou aménorrhée chez la femme).

C) Signes d'hypertension portale :

  • Circulation veineuse collatérale abdominale de type porto-cave : dilatation des veines sous-cutanées abdominales (épigastrique voire péri-ombilical (= syndrome de Cruveilhier-Baumgarten : importantes dilatations veineuses péri-ombilicales dites en « tête de méduse», traduisant une reperméabilisation de la veine ombilicale)
  • Splénomégalie.
  • Ascite.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

  • Historiquement, le diagnostic de cirrhose reposait sur un examen histologique. Plus récemment des tests non invasifs ont été mis au point et sont recommandés en première intention pour évaluer la fibrose dans les maladies chroniques les plus courantes (hépatites virales chroniques, maladie alcoolique du foie...).
  • En pratique clinique courante, la cirrhose, diagnostiquée à un stade avancé (stade «décompensé», c'est-à-dire au cours d'une complication) s'accompagne souvent d'anomalies caractéristiques pouvant être mises en évidence par l'examen clinique, par des examens biologiques simples et par des examens d'imagerie. 
  • Les signes cliniques, biologiques et morphologiques font partie d'un faisceau d'arguments permet­tant de suspecter ou d'établir le diagnostic de cirrhose. En cas de suspicion de cirrhose compensé, des méthodes non invasives peuvent être mise en oeuvre en première intention (Fibroscan®, FibroTest®, Fibromètre®, Hepascore®).

A) Biologie non spécifique

  • Lorsque la cirrhose est compensée, les fonctions de synthèse et biliaire du foie ne sont pas encore diminuées : TP, bilirubine et albumine peuvent être normaux.
  • Chez les malades qui ont une cirrhose secondaire à une consommation excessive d'alcool, on observe une macrocytose (dont la spécificité est limitée au stade de cirrhose) ainsi qu'un bloc β-γ sur l'électrophorèse des protéines (fusion entre les pics correspondant normalement aux β et γ-globulines)
  • Une importante élévation de la ferritinémie peut être observée (attention, elle ne traduit pas la présence d'une hémochromatose génétique associée). La saturation de la transferrine peut être augmentée, mais traduit la plupart du temps une baisse de la concentration sérique de transferrine, protéine synthétisée par le foie.
  • Il peut exister une insuffisance rénale en cas de syndrome hépatorénal.
  • L'électrophorèse des protéines sériques montre une augmentation des lgM en cas de cirrhose biliaire primitive et une augmentation des lgG en cas de cirrhose auto-immune

1) Bilan hépatique

Les tests hépatiques peuvent être normaux (un bilan hépatique normal n'élimine pas le diagnostic de cirrhose). Cependant, on observe souvent une élévation modérée des transaminases et de la γ-GT. La biologie objective des perturbations du bilan hépatique aspécifiques :

  • cytolyse : Transaminases (ASAT et ALAT) normales ou augmentées, prédominant sur les ASAT.
  • cholestase : Gamma GT (GGT) et phosphatases alcalines (PAL) normales ou augmentées.
  • hyperbilirubinémie

Les anomalies du bilan hépatique varient aussi selon la cause de la cirrhose: si elle est due à une hépatite virale active avec réplication virale, les ALAT peuvent être augmentées. Si elle est due à une maladie cholestatique comme une cholangite sclérosante, il existe une cholestase majeure avec augmentation des PAL et de la GGT.

2) Insuffisance hépatocellulaire 

L'insuffisance hépatique se traduit par :

  • une diminution des facteurs de coagulation (taux de prothrombine [TP] et facteur V qui exclut une hypovitaminose K). La baisse du taux de prothrombine (TP) associée à celle du facteur V signe une insuffisance hépatique sévère. 
  • une élévation de l'INR.
  • une diminution de l'albuminémie.
  • une élévation de la bilirubinémie à prédominance conjuguée (parfois mixte) traduit généralement une insuffisance hépatocellulaire sé­vère.

3) Hypersplénisme

  • Leucopénie.
  • Anémie.
  • Thrombopénie (rarement absente).

B) Examens d'imagerie

1) Echographie abdominale

L'échographie est l'examen d'imagerie de dépistage de première intention à faire chez tous les patients atteints de cirrhose. À l'échographie, le foie peut paraître strictement normal, mais il existe souvent des signes qui doivent attirer l'attention :

  • Morphologie du foie : 

    • Dysmorphie hépatique : dans la phase initiale, le foie est augmenté de taille, tandis que dans les stades tardifs de la cirrhose, le foie s'atrophie. Les modifications de volume sont généralement dysharmonieuses, avec une atrophie de certains secteurs (souvent le lobe droit) et une hypertrophie d'autres secteurs (souvent le lobe gauche).

    • Irrégularité des contours : les contours hépatiquies sont plus ou moins finement bosselés. Les macronodules (nodules> 3 mm), fréquents dans les cirrhoses post-hépatitiques, sont plus faciles à visualiser que les micronodules, dont la taille est de 1 à 3 mm. Le bord hépatique inférieur peut être émoussé ou déformé. Les parois vésiculaires sont souvent épaissies.

    • Echostructure : le parenchyme hépatique reste habituellement homogène. Une hétérogénicité peut être en rapport avec une stéatose focale, avec des macronodules de régénération ou des zones de fibrose périportale, mais elle doit toujours faire craindre la survenue d'une greffe néoplasique.

  • Hypertension portale (repose sur les modifications des structures veineuses en amont du foie et sur leur retentissement) :
    • Splénomégalie homogène (hypertrophie de la rate) et ascite

    • Le calibre de la veine porte est augmenté, il est supérieur à 12 mm et surtout il n'est pas modifié par le cycle respiratoire.

    • L'examen Doppler met en évidence des anomalies du flux portal avec un ralentissement puis une inversion du flux portal dans l'HTP évoluée (flux hépatofuge).

    • Mise en évidence de voies de dérivations veineuses portosystémiques (circulation veineuse collatérale), par l'étude en mode Doppler pulsé et couleur, signe le diagnostic d'HTP : la reperméabilisation de la veine ombilicale dans le ligament rond si l'obstacle est supra ou intra-hépatique, dilatation de la veine coronaire stomachique (ou gastrique) en arrière du lobe gauche du foie, associée à des varices dans le petit épiploon ou autour du cardia, et dérivations spléno-rénales fréquentes et bien visibles autour du hile de la rate.

    • L'examen Doppler peut mettre en évidence une artérialisation du foie, l'augmentation du débit sanguin dans l'artère hépatique et ses branches compensant la diminution du débit portal.

  • Recherche de complications :
    • ​​​​Dépistage du carcinome hépatocellulaire  : l'échographie permet de détecter des nodules, qui sont toujours suspects lorsqu'ils apparaissent chez un patient atteint de cirrhose. Elle ne peut cependant pas affirmer la nature maligne du nodule. En revanche, il existe des caractéristiques échographiques très évocatrices de carcinome hépatocellulaire : nodule hétérogène, contenant des plages hyper et hypoéchogènes.
    • Thrombose portale : elle peut être segmentaire ou globale, cruorique ou néoplasique. 

      • Les thromboses cruoriques compliquent les sepsis, la chirurgie lourde intra-abdominale, les pancréatites, les infarctus intestinaux, les troubles de l'hémostase et l'hypertension portale. En cas d'hypertension portale sur cirrhose, une thrombose portale doit faire rechercher une greffe néoplasique. Au stade aigu, l'échographie met en évidence une veine plutôt dilatée dont la lumière est obstruée par un matériel plus ou moins échogène. Au début, le thrombus peut être relativement hypoéchogène et la veine peut apparaître normale : l'examen Doppler est souvent indispensable pour affirmer le diagnostic, montrant, en cas de thrombose complète, une absence totale de signal et, en cas de thrombose partielle, une marginalisation du flux coloré dans la lumière portale en Doppler couleur. Au stade chronique, la veine devient atrésique, pratiquement invisible, et il apparaît dans le pédicule hépatique un cavernome portal, fait d'un réseau variqueux de suppléance, dont la visualisation en Doppler couleur est immédiate.

      • Les thromboses néoplasiques compliquent souvent les hépatocarcinomes, plus rarement les néoplasies biliaires ou pancréatiques. La veine est plus ou moins comblée par du tissu de même échogénicité que la tumeur. Elle est souvent très dilatée et déformée. L'utilisation de PCUS peut montrer la vascularisation tumorale du thrombus.

2) TDM/IRM abdominale

  • Lorsqu'un nodule est constaté et ce, quelles que soient ses caractéristiques échographiques, il faut faire une imagerie en coupe en 2e intention : tomodensitométrie ou IRM avec injection de produit de contraste.
  • L'injection de produit de contraste permet d'étudier la cinétique de vascularisation du nodule.
  • Au scanner, le carcinome hépatocellulaire a les caractéristiques suivantes : sur les coupes sans injection, c'est un nodule le plus souvent iso ou hypodense, puis il existe une hyperdensité après injection à la phase artérielle, et enfin un lavage au temps portal.

C) Endoscopie

Avant 2015, toutes les recommandations préconisaient la réalisation d'une fibroscopie œso-gastroduodénale au moment du diagnostic de cirrhose, afin de dépister des signes d'hypertension portale (varices de grande taille nécessitant une prophylaxie) et ce, chez tous les patients. Cette attitude entraînait la réalisation d'un grand nombre d'endoscopies inutiles (car normales).

La fibroscopie œso-gastro-duodénale (FOGD) dépiste des varices œsophagiennes ou gastriques, permettant de prévenir l’hémorragie digestive par rupture variqueuse. Selon les recommandations Baveno VI sur la prise en charge de l’hypertension portale, il est possible de l’éviter si les 3 critères suivants sont réunis :

  • cirrhose compensée ;
  • plaquettes > 150 000/mm3 ;
  • FibroScan (élasticité hépatique) inférieure à 20 kPa

Dans ce cas, la numération plaquettaire et le Fibro-Scan doivent être répétés tous les ans. Si le taux de plaquettes diminue en dessous de 150 000/mm3 ou si l'élasticité devient supérieure à 20 kPa, une fibroscopie œsogastroduodénale doit être réalisée.
Dans le cas contraire, la FOGD est renouvelée tous les 1 à 3 ans pour les cirrhoses Child A, tous les ans pour les Child B ou C (tableau 3). Lorsqu’une prophylaxie est prescrite, il n’y a pas d’indication à refaire systématiquement de fibroscopie.

D) Biopsie hépatique

  • La biopsie hépatique est utile pour identifier certaines lésions histologiques surajoutées telles que l'hépatite alcoolique.
  • Elle n'est pas indispensable pour le diagnostic de cirrhose si un faisceau d'arguments convergents est obtenu par l'examen clinique, les tests biologiques et les examens morphologiques mais elle doit être réalisée au moindre doute diagnostique car elle reste l'examen de référence pour établir le diagnostic de cirrhose.
  • L'examen histologique permet d'affirmer l'existence d'une cirrhose et d'objectiver parfois des lésions en rapport avec son étiologie. Il peut être obtenu à partir d'une biopsie percutanée :
    • si le taux de prothrombine est > 50 % et le TCA normal ;

    • si le chiffre de plaquettes est > 60 × 109/L ;

    • s'il n'existe pas d'ascite volumineuse;

    • en l'absence de dilatation des voies biliaires intrahépatiques.

  • Dans les autres cas, la biopsie doit être réalisée par voie transjugulaire afin de limiter les risques, notamment l'hémorragie. La dilatation des voies biliaires intra-hépatiques est une contre-indication absolue à la biopsie, même par voie transjugulaire.

E) Bilan étiologique

Le bilan étiologique de 1ère intention comprend :1

  • Sérologie hépatite B (VHB) : Antigène HBs, anticorps anti-HBc et anti-HBs. Si Ag HBs positif = ADN VHB en PCR.
  • Sérologie hépatite C (VHC) : Ac anti-VHC et ARN VHC en PCR si positif.
  • Sérologie VIH 1 et 2 avec accord verbal du patient si VHB ou VHC positive, en raison de la fréquence des comorbidités.
  • Sérologie VHD si le patient est porteur de l’antigène HBs.
  • Recherche de surcharge en fer : ferritinémie (à distance d’un sevrage en alcool) et coefficient de saturation de la transferrine
  • Recherche de facteurs de risque métabolique : glycémie à jeun, cholestérol total, triglycérides.

En seconde intention, on recherche :

  • Une origine auto-immune : anticorps antinucléaires, anti-muscles lisses, anti-LKM1, anti-LC1, antimitochondrie
  • Electrophorèse des protéines sériques et dosage pondéral des immunoglobulines
  • Chez les patients jeunes, un déficit en alpha-1-antitrypsine et une surcharge en cuivre (cuprémie, cuprurie, céruloplasmine) sont également à considérer.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

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ÉTIOLOGIE

  • Il est recommander de rechercher systématiquement les 4 causes les plus fréquentes de cirrhose (alcool, virus B et C, hémochromatose et syndrome dysmétabolique).
  • Par ailleurs, plusieurs causes peuvent coexister : alcool et hépatite C, co-infection par les virus des hépatites B et C, alcool et hémochromatose...

A) Alcool

Arguments en faveur de l'origine alcoolique :

  • Intoxication alcoolique > 40 g/jour (en pratique souvent beaucoup plus). Le risque de cirrhose est augmenté à partir de 40 g d'alcool pur par jour. Un mésusage de l’alcool peut être dépisté rapidement et simplement en consultation, par le questionnaire AUDIT-C

  • Autres manifestations de l'alcoolisme :
    • Neuropathie périphérique
    • Hypertrophie parotidienne bilatérale
    • Maladie de Dupuytren (= fibrose rétractile de l'aponévrose palmaire moyenne de la main) 
    • Encéphalopathie carentielle
    • Pancréatite chronique calcifiante
  • Signes biologiques: augmentation du VGM et GGT.
  • Sur la PBH, si elle est pratiquée : la stéatose (non spécifique) et les signes d'hépatite alcoolique aiguë.

B) Hépatites virales

  • Les lésions hépatiques induites par les virus des hépatites B et C (nécrose hépatocytaire, inflammation) entraînent le déve­loppement de fibrose puis de cirrhose.
  • La progression vers la cirrhose est plus rapide en cas d'intoxication alcoolique surajoutée.
  • En cas d'hépatite B chronique, la surinfection par le virus de l'hépatite Delta accélère également la progression vers la cir­rhose.

Arguments pour l'orgine virale :

  • Des comportements à risque (toxicomanie, partenaires sexuels multiples, tatouage) doivent être recherchés et conduire à un dépistage sérologique des infections virales C et B
  • Hépatite B : présence de l'Ag HBs, de l'Ac anti-HBc. Attention, il peut exister une cirrhose virale B même si l'Ag HBs est absent, avec présence de l'Ac anti-HBc et de l'Ac anti-HBs (profil d'hépatite B « guérie »). La biopsie hépatique révèle la présence d'Ag viraux sur les hépatocytes (hépatocytes en verre dépoli + marquage spécifique en immunohistochimie)
  • Hépatite B + Delta: présence de l'Ag HBs et sérologie hépatite Delta positive.
  • Hépatite C : sérologie de l'hépatite virale C positive, avec PCR virale C positive.

C) Stéato-hépatite non alcoolique (NASH)

  • La stéato-hépatite non alcoolique est une maladie hépatique dont le mécanisme physiopathologique essentiel est lié à l'insulinorésistance, et qui se rencontre donc souvent chez des sujets ayant un syndrome métabolique.
  • Son diagnostic formel est histologique. Chez ces patients, la biopsie hépatique montre des lésions semblables à celles ob­servées chez les patients alcooliques (stéatose, nécrose hépatocytaire, corps de Mallory, infiltrats à polynucléaires neutro­ philes), alors qu'ils n'ont pas de consommation excessive d'alcool.
  • Une partie de ces patients va développer une fibrose qui peut aboutir à la cirrhose et ses complications propres.

Arguments pour une NASH :

  • Absence de consommation excessive d'alcool.
  • Absence d'autre cause de cirrhose (le diagnostic de cirrhose compliquant une NASH est porté après réalisation d'un bilan étiologique complet qui doit être négatif).
  • Un syndrome métabolique, défini par :
    • une obésité abdominale (tour de taille > 94 cm chez les hommes et 80 cm chez les femmes) associée à au moins 2 critères parmi :
      • une hypertriglycéridémie (> 1,70 g/L)
      • un faible taux d’HDL-cholestérol (< 0,4 g/L chez les hommes et 0,5 g/L chez les femmes)
      • une hypertension artérielle
      • une hyperglycémie à jeun (> 1 g/L)
      • un diabète. 

L’obésité abdominale peut être présente chez des personnes ayant un IMC proche de la norme. Au stade de cirrhose, l'indice de masse corporelle peut être normal, il faut donc interroger le patient sur son poids antérieur et son poids maximal au cours de la vie. Sa fréquence augmente avec le surpoids, a fortiori l’obésité  : elle est systématique lorsque l’IMC est > 35. Ces patients sont à risque de NAFLD (Non Alcoholic Fatty Liver Disease), définie par une stéatose hépatique en l’absence d’autre cause (alcoolique, médicamenteuse, génétique, bypass…). Elle risque d’évoluer vers une NASH, dont les lésions hépatiques inflammatoires peuvent elles-mêmes entraîner une fibrose, puis une cirrhose. 

D) Hémochromatose

  • Dans l'hémochromatose génétique, la surcharge en fer hépatocytaire est initialement localisée autour des espaces portes puis s'étend à tout le lobule hépatique, entraînant une fibrose puis une cirrhose.

E) Syndrome de Budd-Chiari

  • Définition: Il correspond à un obstacle sur le drainage veineux sus-hépatique qui peut être global ou segmentaire, aigu ou chronique.
  • Causes: compression extrinsèque (tumeur++ ) du confluent sus-hépatique par une tumeur intra-hépatique plus souvent qu'extra-hépatique (CHC le plus souvent, cancer du rein par le biais d'un envahissement de la veine cave inférieure), affections pro-thrombotiques (throm­bophilies, syndromes myéloprolifératifs), anomalie congénitale dans les formes chroniques (diaphragme veineux cave ou sus-hépatique, agénésie ou hypoplasie veineuse globale ou segmentaire).
  • Mécanisme : dilatation des sinusoïdes et nécrose hépatocytaire à prédominance centrolobulaire et péri-centrolobulaire, évoluant vers la fibrose puis la cirrhose.
  • Clinique: ascite quasi constante.
  • Diagnostic : échographie-doppler des veines sus-hépatiques ± TDM et/ou IRM hépatique, avec angio-lRM (= veino-lRM) 

F) Déficit en a 1-antitrypsine

  • L'alpha 1-antitrypsine est une glycoprotéine sérique synthétisée par les hépatocytes, dont la fonction est d'inhiber les pro­téases.
  • Lorsqu'il existe une mutation du gène codant pour cette protéine, l'alpha 1-antitrypsine synthétisée est instable et précipite dans le réticulum endoplasmique.
  • Les sujets ayant une mutation homozygote développent une cholestase puis une cirrhose. Elle est associée à un emphysème pulmonaire de type pan-lobulaire.

COMPLICATIONS

Les complications de la cirrhose résultent de l'hypertension portale et/ou de l'insuffisance hépatique et/ou du développement d'un CHC. La survenue d'une complication correspond par définition à une décompensation de la cirrhose. Les principales complications de la cirrhose sont les suivantes :

  • Hémorragie digestive : par rupture de varices œsophagiennes et/ou gastriques

  • Ascite (la plus fréquente) et infection du liquide d'ascite

  • Encéphalopathie hépatique

  • Syndrome hépatorénal

  • Carcinome hépatocellulaire

A l'exception du carcinome hépatocellulaire dont le développement est indépendant des autres complications, il est essentiel de comprendre que ces complications sont souvent associées en cascade, l'une favorisant la survenue de l'autre et ainsi de suite. Devant une complication de la cirrhose, il faut donc rechercher les autres.

A) Hémorragies digestives liées à l'hypertension portale

a) Généralités

  • La rupture de varices œsophagiennes (RVO) est une des principales causes de mortalité chez les malades atteints de cirrhose.1
  • La mortalité du premier épisode hémorragique est d’environ 15 à 20 %1 et les patients qui ont présenté un épisode de RVO ont un risque de récidive à 1 an de l’ordre de 60 %, avec une mortalité de 33 %.1
  • Les VO sont présentes chez environ 30-50 % des patients au moment du diagnostic de cirrhose, et chaque année, environ 12 % des patients atteints de cirrhose vont développer une RVO.1
  • Une gastroscopie doit être pratiquée en urgence, le plus rapidement possible, et de toute façon dans les 12 heures, chez un malade conscient, coopérant et stable sur le plan hémodynamique.

  • La conduite à tenir est détaillée dans l'item hémorragie digestive (seules les particularités liés à l'HTP sont notifiées).

b ) Etiologies principales chez les patients atteints de cirrhose

  • La rupture de varices œsophagiennes (RVO) : la rupture de varices œsopha­giennes (RVO) est la principale cause d’hémorragie digestive haute liée à l’hypertension portale chez les patients atteints de cirrhose (60%)

  • Les ulcères peptiques gastriques ou duodénaux (15 %) : les ulcères gastroduodénaux ne sont pas spécifiques de la cirrhose. Leur fréquence augmente en cas de cirrhose par rapport à la population générale.

  • La gastropathie d'hypertension portale. La gastropathie d'hypertension portale peut conduire à une anémie chronique mais rarement à une hémorragie aiguë.

  • La rupture de varices gastriques ou ectopiques.

c) Clinique

  • Trois tableaux peuvent être observés :
    • Hémorragie digestive extériorisée : L'hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes se manifeste par une hématémèse et/ou un méléna, voire des rectorragies en cas d'hémorragie abondante.
    • Décompensation de la cirrhose : encéphalopathie hépatique, ascite, ictère = > En l'absence d'extériorisation du saignement, on doit chercher le méléna par un toucher rectal : toujours faire un toucher rectal devant un tableau de cirrhose décompensée.
    • Anémie aiguë ou subaiguë.
  • Recherche de signes de gravité : neurologiques (troubles de la conscience/vigilance), respiratoire et hémodynamique (hypotension, choc)
  • Recherche de complications de la cirrhose : Infection (fièvre, hypothermie, signes fonctionnels urinaires, signes de pneumopathie, ILA..), ascite, encéphalopathie hépatique.

d) Biologie chez un cirrhotique ayant une hemorragie digestive

  • Groupe sanguin, rhésus, recherche d'agglutinines irrégulières
  • NFS-plaquettes
  • Bilan hépatique complet: ASAT, ALAT, G-GT, PAL, bilirubine totale et conjuguée
  • TP et facteur V
  • lonogramme sanguin, urée, créatinine, albumine
  • Bilan infectieux : hémocultures, ECBU, ponction d'ascite exploratrice pour examen cytobactériologique systématique++ , voire évacuatrice pour faire baisser la pression portale Remarque: en cas d'hémorragie digestive, l'urée s'élève alors que la créatinine reste stable.

L'hémorragie digestive chez le patient cirrhotique s'accompagne le plus souvent d'une dégradation de la fonction hépa­tique : baisse du TP, augmentation de la bilirubine. Le taux de prothrombine et l’INR ne sont pas de bons indicateurs de l’état de coagulabilité chez les patients atteints de cirrhose et il n’est donc pas recommandé de chercher à les corriger.1

e) Mesures générales en cas d'hémorragie digestive liée à l'hypertension portale (cf hémorragie digestive))

  • Urgence vitale, laisser à jeun.
  • Monitorage continu des constantes : pouls, TA, saturation (= scope)
  • Hospitalisation dans une unité de soins intensifs proche d'un plateau d'endoscopie digestive.
  • 2 VVP de gros calibre, remplissage vasculaire en cas de choc hypovolémique par des cristalloïdes (ex. : sérum salé) voire des colloïdes. Un remplissage vasculaire excessif augmente la pression portale et favorise les récidives hémorragiques (objectif PAM = 65 mmHg).1
  • Oxygénothérapie nasale voire au masque de haute concentration, pour saturation> 92 %.
  • Une transfusion de CGR est justifiée en cas de mauvaise tolérance de l'anémie ou si le taux d'hémoglobine est inférieur à 7 g/dL. il faut avoir pour objectif transfusionnel un taux d’hémoglo­bine de l’ordre de 7 à 8 g/dL. Une politique transfusionnelle restric­tive (7 à 8 g/dL) est recommandée dans la situation particulière de la RVO1 en dehors de comorbidités modifiant la politique transfusionnelle (antécé­dent d’accident vasculaire cérébral, de cardiopathie ischémique, ou choc).
  • La correction des troubles de l'hémostase par des transfusions de plasma frais congelé ou d'autres produits dérivés du sang n'est pas recommandée en cas de cirrhose. Un risque d’expansion volémique excessive et d’aggrava­tion de l’hypertension portale liée à ce type de transfusion a été évoqué.
  • La réalisation d’une transfusion plaquet­taire au cours des hémorragies sévères est habituellement recom­mandée pour un taux plaquettaire < 50000/mm3. Aucune étude n’a évalué cette question dans le contexte particulier de la RVO. On peut de ce fait recommander une transfusion de plaquettes lorsque le chiffre est en deçà de 30 000 plaquettes. 1
  • La mise en place d'une sonde nasogastrique n'est pas systématique : elle peut être indiquée en cas de trouble de la conscience, de doute diagnostique ou pour le lavage gastrique si il existe une contre-indication à l'érythromycine.

f) Traitement spécifique

L'association du traitement vasoactif, de l'antibiothérapie et du traitement endoscopique doit être systématique chez tous les patients.

+ Traitement vasoactif associé aux IPP.

Un traitement vasoactif intraveineux destiné à réduire la pression portale en provoquant une vasoconstriction splanchnique doit être institué en urgence. Ce traitement doit être administré entre 2 et 5 jours. Au-delà, un relais doit être pris par des bêtabloquants au long cours. Aucune différence de récidive hémorragique, ni de mortalité, n'a été retrouvée entre les 3 traitements :1 

  • soit de somatostatine : 0,250 mg IVL puis 0,250 mg/h IVSE.

  • soit d'analogues de la somatostatine (octréotide, c'est le plus utilisé en France) = Sandostatine 50 ug IVL puis 25 ug/h (Soit 1 amp. de 100ug/1ml + 9 ml de Nacl = 100ug/10ml) à la vitesse de 2,5ml/h

  • soit de dérivés de la vasopressine (terlipressine). La terlipressine expose à un risque de complications liées à une vasoconstriction artérielle périphérique. Elle est contre-indiquée chez les malades ayant une cardio­pathie ischémique ou d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Quelque soit le médicament choisit, un IPP doit systématiquement être associé car les ulcères gastro-duodénaux sont statistiquement plus fréquents chez les patients cirrhotiques : Esoméprazole : bolus de 80 mg puis IVSE 8mg/h.

+ Antibiothérapie

  • Les épisodes d'hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes chez les patients cirrhotiques se compliquent fréquemment d'une infection bactérienne. Entre 30 à 40 % des malades atteints de cirrhose présentant une hémorragie digestive haute ont ou vont développer une infection dans la semaine qui suit l’épisode hémorragique.1 Ces infections, souvent sévères, sont associées à une récidive hémorragique précoce et à une plus grande mortalité.1
  • Le mécanisme physiopathologique principalement en cause est la translocation bactérienne : elle est favorisée par une pullulation bactérienne, associée à une perméabilité anormale de la paroi intestinale, entraînant un passage de germes digestifs vers les ganglions lymphatiques mésentériques, puis dans le sang et éventuellement dans l’ascite. Ce passage concerne principalement les bacté­ ries à Gram négatif et très peu les germes anaérobies.1 1
  • Au cours de l’hémorragie digestive sur cirrhose, une antibiothérapie prophylactique systématique de courte durée entraîne une dimi­nution du taux d’infection et réduit significativement la mortalité.1 1 1
  • Le traitement recommandé est une quinolone (norfloxacine per os, à la dose de 400 mg 2 fois par jour) ou une céphalosporine de 3e génération (céfotaxime/ceftriaxone) chez les malades les plus sévères pendant 7 jours.1. En effet, la faible absorption digestive et l’activité de la norfloxacine sur les bactéries à Gram négatif en font un médicament de choix. La ceftriaxone doit être préféré chez les malades Child B ou C, dans les centres ayant une prévalence élevée de bactéries à Gram négatif résistants aux quino­lones et chez les malades déjà sous prophylaxie par quinolones au long cours.

+ Traitement endoscopique

  • Une endoscopie digestive haute doit être pratiquée en urgence, le plus rapidement possible, et de toute façon dans les 12 heures, chez un malade conscient, coopérant et stable sur le plan hémodynamique ou Intubé et ventilé en cas de troubles initiaux de la conscience.
  • Préparation gastrique : La préparation de l’estomac à l’en­doscopie est un temps essentiel de la prise en charge des RVO car la qualité de la préparation facilite beaucoup la visibilité des lésions et leur traitement. Il existe 2 méthodes :
    • Le lavage par la sonde nasogastrique, pénible pour le patient et consommatrice de temps infirmier.
    • L’érythromycine par voie intraveineuse 30 à 60 minutes avant l'endoscopie (traitement qui déclenche une vidange accélérée de l'estomac en provo­quant des contractions antrales) , contre­-indiquée chez les patients ayant un syndrome de QT long.
    • Les recommandations de Baveno VI préconisent désormais d’utiliser l’érythromycine en première inten­tion et de ne réserver le lavage gastrique qu’aux patients qui ont une contre-indication médicale à l’érythromycine telle que le syndrome du QT long.
  • L'endoscopie est diagnostique : visualisation des varices œsophagiennes, d'une hémorragie active ou d'un clou plaquettaire adhérant à une varice comme témoin d'une hémorragie récente.
  • L'endoscopie est thérapeutique permettant l'arrêt d'une hémorragie active. L'hémostase peut être obtenue par un geste endoscopique : ligature élastique des varices œsophagiennes ou, plus rarement, encollage d'une varice gastrique ou ectopique. La ligature élastique de varice œsophagienne a lieu au cours de l’endoscopie diagnostique. Des complications mineures peuvent survenir : dysphagie, douleur rétros­ternale. La chute d’escarre vers le septième jour peut être responsable d’une hémorragie cliniquement significative. En raison de la formation quasi constante d’un ulcère post­sclérose parfois respon­sable d’une récidive hémorragique, la sclé­rothérapie doit être aban­donnée.1 
A gauche : présence de varices oesophagiennes (VO).
A droite : rupture de VO avec saignement actif.

En cas d'échec, on peut avoir recours :

  • soit à une sonde de tamponnement œsophagien (sonde de Blakemore) : Elle permet le contrôle initial de l’hémor­ragie par RVO.1 1 La pose de cette sonde est associée à de nom­breuses complications potentielle­ ment graves comme la perforation ou nécrose œsophagienne, la pneumopathie d’inhalation (protection des voies aériennes supé­rieures par une intubation lorsque la sonde de Blakemore est néces­saire. L’hémorragie récidive dans plus de 50 % des cas au dégonflage du ballon œsophagien. Ainsi, la pose d’une sonde de tam­ponnement est un traitement d’at­tente, utile quand l’hémorragie est incontrôlable. Plus récemment, des prothèses œsophagiennes ont été proposées comme alternative à la sonde de Blakemore responsables de moins d’effets indésirables dans l'attente d'un traitement radical.1
  • soit à la mise en place en urgence d'un shunt portocave intrahépatique par voie transjugulaire (TIPS = transjugular intrahepatic portosystemic shunt–prothèse vasculaire mise en place dans un centre spécialisé). Les TIPS ont dans un premier lieu été utilisés au cours des RVO réfrac­taires, ce qui représente environ 10 % des patients. La pose du TIPS dans ces conditions a pour but d’arrêter le saignement (TIPS dit de « sauvetage »). Dans cette situation, la mortalité est élevée.

+ TIPS précoce

  • Certains patients ont un pronostic plus défavorable : ce sont les patients ayant une cirrhose Child-Pugh B avec un saignement actif à l'endoscopie, ou les patients ayant une cirrhose Child-Pugh C10­-13. 1
  • Chez ces malades, après stabilisation et dans les 72 heures suivant le contrôle de l'hémorragie, il faut systématiquement discuter de la pose d'un TIPS. En effet, cette thérapeutique permet à la phase aiguë (« TIPS précoce ») d'améliorer le contrôle du saignement1, de diminuer la récidive hémorragique précoce et pourrait améliorer significativement la survie.1 1 1
  • L'intérêt du TIPS précoce n'est pas démontré chez les patients ayant une cirrhose Child-Pugh C14 ou C15.
  • Il est important de noter que dans ces circonstances, l’hémorragie diges­tive peut entraîner une EH clinique. Celle­-ci ne doit pas contre­-indiquer la pose du TIPS (à la différence d’un TIPS indiqué pour une raison non urgente telle que l’ascite réfractaire).

B) Ascite

1) Généralités

  • L’ascite est définie comme étant un épanchement liquidien intrapéritonéal non sanglant. Elle est fréquemment révélatrice de la cirrhose.
  • La moitié des malades atteints de cirrhose compensée développe une ascite dans les 10 premières années d’évolution.1

  • Son apparition marque un tournant évolutif sévère dans la maladie et est associée à 

    une survie de 50 % à 1 an et de 30 % à 5 ans.1

2) Clinique

  • L’ascite n’est pas toujours symptomatique, elle le devient du fait de la gêne fonctionnelle qu’elle entraîne.
  • La matité déclive caractéristique de l’ascite n’apparaît cliniquement que pour un ­épanchement péritonéal d’au moins 1,5 litre mais cela dépend aussi de la constitution des patients.1 1 1
  • Lorsque l’ascite est abondante, elle peut être associée à un tableau d’anasarque avec œdèmes des membres inférieurs et épanchements pleuraux. 

3) Classification de l'ascite cirrhotique

On distingue l’ascite de grade 1 (vue à l’imagerie) de celle des grades 2 ou 3 (cliniquement manifeste ; nécessitant un suivi spécialisé) associés à des stratégies thérapeutiques spécifiques. 1 L’International Ascites Club a proposé d’associer le choix du traitement de l’ascite non compliquée à une classification s’appuyant sur des critères quantitatifs :

Définition et traitement des différents grades d’ascite dans le cadre de la cirrhose alcoolique

4) Examens complémentaires

a) Echographie abdominale

L’échographie peut être utile pour détecter la présence d'ascite dès 100 mL (avant d’être visible cliniquement : grades 2 et 3) ou diriger la ponction lorsque elle est peu abondante ou que l’anatomie du malade n’est pas favorable.

b) Ponction d'ascite

Lors de la première ponction d’ascite, même si le diagnostic de cirrhose paraît cliniquement certain, afin de porter un diagnostic précis, il est indispensable de réaliser une ponction d’ascite avec examen détaillé du liquide : 

  • Numération et formule des éléments figurés de l’ascite (prélèvement dans un tube contenant de l’EDTA pour ­éviter la coagulation de la fibrine ­piégeant les éléments figurés), examen direct et culture aéro-anaérobie (nécessitant l’ensemencement de 10 ml de liquide directement dans des flacons d’hémoculture), dosage des protides et de l’albumine, de la lipase.
  • L’examen cytopathologique de l’ascite, la recherche de mycobactérie, d’autres éventuels dosages (triglycérides, LDH, marqueurs tumoraux) ne sont indiqués qu’en cas de suspicion clinique ou d’anomalie suggestive de l’examen du liquide d’ascite.1
  • Une ascite cirrhotique est habituellement stérile, citrin, comporte < 200 éléments/μL et < 10 % PNN ou < 75 PNN/μL, Protéines < 25 g/L et l’activité lipasique dans l’ascite est inférieure à celle du sérum.1 1 1 1 
  • La concentration en albumine permet d’éliminer les diagnostics différentiels. En effet, en cas de cirrhose, la concentration des protéines dans l’ascite n’est supérieure à 25 g/L que dans environ 15 % des cas1 et la différence de concentration de l’albumine entre le serum et l’ascite est supérieure ou égale à 11 g/L dans le cas de l’hypertension portale.1 1 
  • Le risque d’infection d’ascite est ­augmenté quand la concentration en protéines est faible, inférieure à 15 g/L, a fortiori inférieure à 10 g/L.1

  • Dans 95 % des cas l’analyse seule du liquide d’ascite permet de faire le diagnostic de cirrhose.

5) Bilan pré-thérapeutique

  • Il faut toujours rechercher un facteur déclenchant : écart de régime et augmentation des apports sodés, traitement majorant la rétention sodée ou augmentant la vasodilatation périphérique et atteignant la fonction rénale.

  • Il faut toujours rechercher une complication de l’ascite : ictère, infection du liquide d’ascite, hémorragie digestive, carcinome hépatocellulaire. syndrome hépatorénal.

  • Il faut toujours analyser la fonction rénale : en raison de la grande fréquence d’anomalies organiques ou fonctionnelles liées à la cirrhose [15] et des risques induits par les traitements de l’ascite. il s’agit d’une étape indispensable avant la mise en route d’un traitement (notamment diurétique). Il faut donc réaliser un ionogramme sanguin et urinaire, doser la protéinurie. Si la fonction rénale est perturbée, il est nécessaire d’éliminer un obstacle. Il est important de noter que le calcul de la fonction rénale selon les formules MDRD ou Cockroft sont inexactes et que la formule MDRD6 est davantage recommandée dans le cadre de la cirrhose.1

  • L’évaluation de l’état cardiaque (clinique, radiographie thoracique, ECG, échographie), notamment lorsqu’il existe des facteurs de risque et en cas de cirrhose alcoolique est nécessaire afin de rechercher une cardiopathie associée d’autre cause (insuffisance coronaire, myocardiopathie alcoolique par exemple) et une myocardiopathie directement liée à la cirrhose.1 1

6) Prise en charge thérapeutique

  • La prise en charge thérapeutique repose initialement sur le traitement étiologique. En effet seul le diagnostic et le traitement (aussi précoces que possible) de la maladie causale et de ses poussées évolutives éventuelles peuvent prévenir l’ascite et améliorer le pronostic vital. Cette démarche est toujours plus importante que le traitement symptomatique de l’ascite.
  • Le traitement symptomatique de l’ascite est dépendant de la gêne fonctionnelle qu’elle entraîne, plus que par son risque de compli­cations propres, faible en dehors de l’infection. Cependant, le traitement symptomatique de l’ascite comporte des risques, y compris vitaux, ce qui est difficilement acceptable pour une complication rarement mortelle.
  • Son apparition doit amener à poser la question d’une transplantation hépatique.

a) Traitement symptomatique de l’ascite des grades 2 ou 3

Le principe thérapeutique est sous-tendu par la nécessité de négativer le bilan sodé et de diminuer le poids du patient (500 g par jour maximum s’il ne présente pas d’œdèmes et d’1 kg en présence d’œdèmes). Une surveillance ionique et rénale hebdomadaire, puis mensuelle, est requise. 

Certains médicaments sont contre-indiqués :

  • AINS : les anti-inflam­matoires non stéroïdiens provoquent une rétention sodée, une diminution de la fonction rénale, une hyponatrémie et entraînent une résistance aux diurétiques.
  • Antihypertenseurs vasodilatateurs : Ils peuvent engendrer une ­altération hémodynamique et rénale.
  • Aminosides : néphrotoxicité
  • Éviter autant que faire se peut les produits de contraste iodés même s’il n’existe pas de preuve de leur toxicité rénale accrue dans la cirrhose compensée.
  • La glycirrhizine (composant de la réglisse et des pastis sans alcool) doit être évitée (action minéralocorticoïde).

Régime désodé (2 à 3 g/J) : 

  • Un régime modérément désodé (2 à 3 g/j) est toujours nécessaire pour négativer la balance sodée sans avoir recours à de trop fortes doses de diurétiques. 
  • Entre 10-22 % des patients mis sous régime désodé ont une natriurèse spontanée1 or, c’est chez des patients dont la natriurèse spontanée est importante que la survie est améliorée : Dans une étude, la survie à 1 an était de 70 % si la natriurèse était supérieure à 10 mEq/j, et de 30 % quand elle lui était inférieure.1
  • Les « sels de régime » qui apportent du potassium sont à ­proscrire.
  • La restriction hydrique n’est pas recommandée sauf si la natrémie est inférieure à 125 mM/L et en l’absence d’insuffisance rénale.

Diurétiques :

  • En l’absence de natriurèse spontanée, il est raisonnable d’ajouter un traitement diurétique.

  • Il ne doit être prescrit qu’en l’absence d’encéphalopathie, d’insuffisance rénale, d’infection, d’hyponatrémie et d’hyperkaliémie, et chez des malades hémodynamiquement stables.

  • Les anti-minéralocorticoïdes sont le meilleur traitement diurétique de première intention : spironolactone 

    • L’hyperaldostéronisme secondaire est un mécanisme ­important de la rétention sodée de la cirrhose, le tube distal réabsorbant quasiment tout le sodium qui lui est délivré, définissant la quantité finale de sodium présente dans l’urine. Les anti-minéralocorticoïdes augmentent ainsi la natriurèse plus souvent que les diurétiques de l’anse, parce que le sodium délivré au tube distal peut être réabsorbé en totalité lorsqu’existe un hyperaldostéronisme.1

    • En cas de première ascite, il est donc recommandé d’utiliser la spirono­lactone seule en première intention. Sa posologie initiale est de 100 mg/j, pouvant être augmentée jusqu’à 400 mg/j par palier de 100 mg/7j en l’absence de réponse thérapeutique (perte de poids inférieur à 2 kg par semaine).  

  • Diurétiques de l’anse :
    • En second choix (hyper­kaliémie ou échec du traitement), on a recourt au furosémide.
    • L’augmentation de la réabsorption tubulaire proximale du sodium peut être telle que la ­délivrance de sodium au tube distal soit quasi nulle, empêchant toute ­efficacité des antiminéralocorticoïdes, employés à dose maximale, chez 10-25 % des malades traités. Ces malades ont habituellement une forte hyperaldostéronémie, une activité rénine plasmatique et une norépinéphrine plasmatiques augmentées. Il est alors raisonnable d’associer des diurétiques de l’anse, dont le furo­sémide a été le plus étudié dans la cirrhose, selon une démarche progressive, à la posologie de 40 mg/j et augmenté par palier de 40 mg s’il est inefficace. La posologie maximale est de 160 mg/j.1 1 1
    • Les principaux effets indésirables spécifiques en sont la déplétion potassique et l’hypokaliémie, l’alcalose métabolique (tous trois rares en cas de combinaison avec la spironolactone), l’hyponatrémie et l’augmentation de la production d’ammoniac par les ­cellules tubulaires rénales.
    • Le délai et la durée d’action du furosémide sont, contrairement à ceux de la spironolactone, brefs, et le risque de ­provoquer une hypovolémie efficace plus grand. Surtout les malades ainsi traités après échec de la seule spironolactone sont plus graves, et à risque plus élevé de développer insuffisance rénale, hyponatrémie et encéphalopathie.
  • Le traitement induit une contraction volémique, qui est responsable d’une hyperactivation du système rénine-angiotensine-aldostérone et du système sympathique.

    • Une insuffisance rénale significative, secondaire à la contraction volémique, habituellement réversible à l’arrêt du traitement, est observée chez environ 20 % des malades traités, moins ­souvent chez les malades œdémateux ; c’est la raison pour laquelle la perte de poids quotidienne sous traitement doit être limitée à 0,5 kg, et à 1 kg en cas d’œdèmes.1

    • Une hyponatrémie est également fréquente, principalement due à l’augmentation de la sécrétion d’hormone antidiurétique induite par la contraction volémique.

    • L’encéphalopathie hépatique est la complication la plus grave et peut atteindre jusqu’à 25 % des malades traités pour une ascite ­abondante ; la contraction volémique augmente la production et diminue la clairance rénale de l’ammoniac.1 L’encépha­lopathie est habituellement associée à une insuffisance rénale et/ou à une hyponatrémie. Avant d’attribuer l’encéphalopathie au traitement diurétique, il faut s’assurer de ­l’absence d’autre cause associée et notamment d’infection ou d’hémorragie digestive.

    • Des crampes musculaires sont ­fréquentes, favorisées par la déplétion sodée (et non par une hypokaliémie, comme on le croit parfois) ; elles sont sensibles à la réduction ou à l’arrêt des diurétiques, voire à la perfusion ­d’albumine.1

  • Une surveillance étroite clinique (poids, pression ­artérielle, recherche de complications) et biologique (urée, créatininémie, ionogramme sanguin, et ionogramme urinaire en cas de non-réponse) est indiquée, particulièrement pendant le premier mois de traitement.1
  • Une fois l’ascite résolue, la dose quotidienne de diurétiques doit être divisée par deux puis jusqu’à la dose minimale efficace afin de réduire le risque de récidive sans provoquer une hypovolémie excessive.
  • Le traitement diurétique doit être arrêté dans les situations suivantes : 1

    • hyponatrémie < 125 mmol/L

    • hypokaliémie < 3 mmol/L ou hyperkaliémie > 6 mmol/L

    • insuffisance rénale aiguë

    • crampes musculaires invalidantes.

    • Encéphalopathie

b) Ponctions évacuatrices itératives d'ascite

Les indications des ponctions évacuatrices sont :

  • Ascite abondante (grade 3 : distension abdominale marquée) ou gêne fonctionnelle (dyspnée)

  • résistance, intolérance ou contre-indication à l'association du régime désodé et du traitement diurétique.1

Le retrait de grandes quantités d’ascite (> 5 L) est associé à un risque plus important de complications à type de dysfonction circulatoire par réduction du volume sanguin efficace, de réapparition d’ascite, de syndrome hépatorénal, d’hyponatrémies et une augmentation de la mortalité.1 1 Or l’albumine, comparée à d’autres solutés d’expansion volémique a montré sa supériorité en matière de réduction de la mortalité.1 Ainsi, c’est sur ces capacités d’expansion volémique que l’adjonction d’albumine est la thérapeutique plébiscitée pour la compensation de ponctions évacuatrices de grande quantité. Elle permet de préserver le volume artériel efficace.1 Ainsi, les sociétés savantes recommandent l’adjonction de 8 à 10 g d’albumine par litre de fluide retiré au-delà de 5 litres.

C) Ascite réfractaire

  • In fine, en cas d’ascite non compliquée, et notamment de première ­poussée. L’ascite est le plus souvent contrôlable par le traitement médical : la réponse est obtenue avec le régime désodé seul chez 10-15 % des malades, par l’adjonction de ­spironolactone chez 70-80 % des malades, l’adjonction de furosémide n’étant nécessaire que dans 5-10 % des cas.
  • Elle est considérée comme « réfractaire » quand elle persiste ou récidive précocement en dépit d’un régime pauvre en sodium et d’un traitement diurétique maximal, situation rencontrée chez environ 10 % des patients. Dans la majorité des cas, c’est parce qu’elle ne peut être traitée par les diurétiques, en raison des complications induites par ces médicaments. Son diagnostic est clinique et ne peut être posé que chez un malade stable, après 4 semaines d’observation au minimum.
  • L’ascite réfractaire témoigne d’une maladie hépatique avancée, et ce malgré des paramètres de fonction hépatique (taux de prothrombine et bilirubine plasmatique) souvent peu altérés. Le patient doit donc rapidement être adressé au spécialiste, d’autant que la mortalité de ces malades est élevée à court terme. 
  • Outre le traitement de la cause de la cirrhose et la prévention des autres complications de l’hypertension portale, les paracentèses évacuatrices répétées constituent le traitement de première intention. Elles doivent être associées à un remplissage vasculaire par des perfusions d’albumine intraveineuse (8 g d’albumine à 20 % par litre d’ascite retiré), afin de prévenir les complications post-paracentèse, en particulier l’hyponatrémie et la mortalité. 
  • La survenue d’un « syndrome de ­dysfonction circulatoire post-paracentèse » 1 1

    • Défini par une augmentation de plus de 50 % de l’activité rénine plasmatique au 6ème jour. 

    • Est observée, en cas d’ascite tendue, spontanément dans 10-20 % des cas, et après ponction de grand volume (plus de cinq litres) sans expansion volémique associée, dans 60-70 % des cas.

    • Il est associé à une récidive rapide de l’ascite, à un risque élevé de syndrome hépatorénal et/ou d’hyponatrémie sévère (environ une fois sur 5), à une augmentation de la pression ­portale probablement liée aux effets intrahépatiques des systèmes vasoconstricteurs activés, enfin à une réduction de la survie (de 17 à 9 mois en moyenne).1 1 1

    • Le risque de ­dysfonction circulatoire est prévenu par l’expansion volémique : tous les solutés sont efficaces pour des ­ponctions de moins de 5 litres, mais l’albumine est seule efficace, et donc recommandée, au-delà de 5 litres (14 g d’albumine à 20 % pour 2 litres ­d’ascite).1 La diminution de moitié de la quantité d’albumine ­perfusée ne semblait pas augmenter le risque de dysfonction circulatoire postparacentèse ni de morbidité à 6 mois dans un essai tout récent, mais manquant de puissance.1

  • Le shunt intrahépatique portosystémique transjugulaire (TIPS) permet le plus souvent un contrôle de l’ascite, mais au prix d’un risque accru d’insuffisance hépatocellulaire et d’encéphalopathie hépatique. Le bénéfice du TIPS sur la survie n’est pas établi. Les résultats de cette intervention dépendent largement de l’expertise des centres, tant pour le geste technique que pour la sélection des malades. En effet, une importante proportion d’entre eux présente des contre-indications à cette technique.
  • La transplantation hépatique demeure ainsi le meilleur traitement, avec une survie > 50 % à 5 ans. Ses principales limitations sont l’accès restreint et la pénurie de greffons.

d) Infection du liquide d'ascite

 

 

 

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

A) Traitement étiologique

Chez les malades qui ont une cirrhose compensée, l'objectif est de maintenir l'état de compensation aussi longtemps que possible. Chez les malades qui ont une cirrhose décompensée, l'objectif est de revenir à une situation durable de cirrhose compensée.

1) Cirrhose alcoolique et hépatite alcoolique

La première étape de la prise en charge est l'arrêt complet et définitif de l'alcool. Elle nécessite un accompagnement vers l’abstinence. Celle-ci peut provoquer un syndrome de sevrage (delirium tremens), prévenu par la prescription de benzodiazépines (BZD). Celles à demi-vie courte (oxazépam et lorazépam) sont à privilégier chez le sujet cirrhotique afin de diminuer le risque d’encéphalopathie hépatique. Après le sevrage, un traitement pharmacologique de maintien de l’abstinence peut être discuté avec l’addictologue (multiplicité des modes d’action des molécules).

L'hépatite alcoolique aiguë sévère est une complication aiguë survenant le plus souvent sur foie de cirrhose :

  • Cliniquement, elle doit toujours être suspectée devant un ictère d'apparition récente, datant de moins de 3 mois. Une fièvre est parfois présente.
  • Biologiquement, il existe une élévation de la bilirubine totale supérieure à 50 μmol/L, une chute du TP et un syndrome inflammatoire biologique. La gravité de l'hépatite alcoolique est évaluée par le score de Maddrey : (Temps de Quick malade – Temps de Quick témoin [secondes]) × 4,6 + Bilirubine totale(μmol / L) /17.
  • La sévérité est définie par un score de Maddrey supérieur à 32. Le score de Maddrey est un score de gravité et non pas un score diagnostique : l'hépatite alcoolique aiguë sévère, lorsqu'elle est suspectée, doit être confirmée par une biopsie hépatique chez les patients ayant un score de Maddrey supérieur à 32 car, chez ces personnes, le traitement par corticoïdes améliore la survie.
  • Histologie : des corps de Mallory, un infiltrat à polynucléaires neu- trophiles, une nécrose hépatocytaire, une ballonisation des hépatocytes et, fréquemment, de la stéatose.
  • Traitement : lorsque l'hépatite alcoolique est prouvée par la biopsie, une corticothérapie est recommandée (après avoir écarté la possibilité d'une infection évolutive).

2) Hépatites chroniques virales B et C. 

  • L’hépatite C peut aujourd’hui être traitée, avec plus de 90-95 % de chance de succès grâce aux antiviraux directs dont la tolérance est excellente. Ces médicaments sont initiés par l’hépatologue en raison du risque de décompensation en cours de traitement. Des études récentes suggèrent qu’une régression de la fibrose peu avancée est possible chez les patients traités pour le VHC. Toutefois, la cirrhose constituée n’est pas réversible.
  • Quand l'hépatite B est parvenue au stade de cirrhose, un traitement antiviral doit être proposé même en cas de virémie faible pour limiter le risque de décompensation. On dispose de deux molécules : le ténofovir et l'entécavir. En cas de cirrhose décompensée, l'arrêt de la réplication du virus B par les traitements anti-viraux peut s'accompagner d'une régression des complications et d'un retour au stade de cirrhose compensé

3) Autres causes de cirrhose

  • En cas de stéatohépatite non alcoolique, des mesures destinées à obtenir un contrôle de la surcharge pondérale, du diabète et de la dyslipidémie sont recommandées.

  • En cas de cirrhose biliaire primitive, l'administration d'acide ursodésoxycholique permet de ralentir l'évolution. Ce traitement est moins efficace dans la cholangite sclérosante primitive.

  • En cas d'hépatite auto-immune, l'association de corticoïdes et d'azathioprine est recom-mandée lorsque la maladie est active (ce dont témoignent l'augmentation des transami- nases et l'abondance des infiltrats inflammatoires sur la biopsie hépatique). Au stade de cirrhose, ce traitement a une efficacité limitée.

  • En cas d'hémochromatose, il faut initier une déplétion en fer par des saignées.

  • En cas de syndrome de Budd-Chiari (obstruction des veines hépatiques), il faut instaurer un traitement anticoagulant.

  • En cas de maladie de Wilson (exceptionnelle), il faut commencer un traitement par des chélateurs du cuivre (D-pénicillamine).

B) Traitement des comorbidités

  • Comorbidités liées à l'alcool : Chez les malades qui ont une cirrhose alcoolique et/ou qui sont ou ont été fumeurs, il est recommandé de réaliser un bilan détaillé ORL, stomatologique et œsophagien afin de chercher des lésions prénéoplasiques ou néoplasiques. Une consultation ORL annuelle ne paraît pas déraisonnable, surtout s’il existe des facteurs de risque locaux.
  • Traitement d'éventuelles complications extra-hépatiques liées au VHC et/ou au VHB.
  • Traitement des éventuelles complications extra-hépatiques de l'hémochromatose.
  • Traitement des complications du diabète, d'une dyslipidémie, de l'obésité.
  • Traitement des facteurs d’accélération de la fibrose (tabac, cannabis…) et leurs complications (BPCO post tabagique, le tabagisme favorise le cancer du poumon et de la vessie....) 1
  • Il est nécessaire d’évaluer et de prendre en compte la poursuite d’une toxicomanie intraveineuse.
  • Le risque d’ostéoporose doit être réévalué, spécialement en cas de maladie cholestatique.1
  • Un bilan cardiovasculaire doit également être réalisé chez les malades tabagiques et présentant un syndrome métabolique. Le cas échéant, la prise en charge d'un diabète doit être optimisée.

C) Mesures associées

1) Eviction des médicaments hépatotoxiques avec adaptation de la posologie des médicaments à métabolisme hépa­tique.

  • Les benzodiazépines et autres traitements sédatifs sont déconseillés du fait du risque de survenue d’encéphalopathie hépatique.
  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) augmentent le risque d’insuffisance rénale et d’hyponatrémie, surtout en cas d’ascite et de paracentèse.
  • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les antagonistes de récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) et les bloqueurs des récepteurs alpha-1-adrénergiques sont à éviter chez les patients avec ascite en raison de la majoration de la menace d’insuffisance rénale aiguë.
  • Le traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) au long cours élève le risque d’infection de liquide d’ascite.Les indications doivent donc être mesurées, et le bien-fondé de ces médicaments réévalué régulièrement.
  • L’injection de produit de contraste iodé n’est pas contre-indiquée chez le patient avec fonction rénale préservée, mais doit être utilisée avec prudence, en respectant les mesures préventives.1

2) Les vaccinations suivantes sont recommandées :

  • Hépatite A (en l’absence d’immunité) 
  • Hépatite B (en cas de négativité de l’antigène HBs et des anticorps anti-HBc) 
  • Antigrippale annuelle : la cirrhose correspond à la définition des maladies qui prédisposent aux complications de la grippe. 
  • Antipneumococcique (chez l’adulte non vacciné, Prevenar 13 suivi, 2 mois plus tard au moins, de Pneumovax 23). Les infections à pneumocoque sont graves chez le cirrhotique (souvent «asplénique»). La vaccination antipneumococcique (une fois tous les 5 ans) peut être conseillée;
  • Autres vaccins : la vaccination par des vaccins vivants chez les sujets immuno déprimés est à étudier au cas par cas (Fièvre jaune, BCG, poliomyélite); en pratique, seule la fièvre jaune se discute chez l’adulte.1

3) Rechercher et traiter une dénutrition.

  • Tout cirrhotique doit être considéré comme tel car la masse protéique est significativement diminuée (hypercatabolisme protéique lié à une insulinorésistance), et ce dès le stade Child A. En parallèle, il existe une insuffisance d’apports liée à des altérations du goût, de la satiété et à des nausées dans plus de 50 % des cas. 
  • Les besoins nutritionnels du patient cirrhotique sont de 30 à 35 kcal/kg/j d’apport énergétique, dont 1,2 à 1,5 g/kg/j de protéines (en utilisant le poids sec sans ascite comme référence). Pour y parvenir, il faut s’appuyer sur la prescription de compléments nutritionnels oraux. Il est préférable de fractionner les prises alimentaires et de prévoir systématiquement une collation en fin de soirée pour réduire le jeûne nocturne. En effet, une situation de jeûne « accéléré » avec activation du catabolisme des acides aminés musculaires survient la nuit chez le cirrhotique, les stocks de glycogène étant réduits du fait de la cirrhose et de l’insulinorésistance. Si ces mesures sont insuffisantes, une nutrition entérale est discutée.
  • Une supplémentation systématique en calcium (1 g/j) et vitamine D (800 UI/j) est recommandée au long cours pour la prévention de l’ostéoporose, dont le risque augmente en cas de cirrhose. Un dépistage par ostéodensitométrie est également préconisé. Une complémentation systématique en vitamine B1, oligo- éléments et polyvitamines est nécessaire si l’intoxication alcoolique est pérenne. Cette dernière ne doit pas être poursuivie au long cours, du fait du risque de surcharge, notamment en vitamine A (hépatotoxicité potentielle).
  • Le régime sans sel risque de majorer l’anorexie et la dénutrition et il est associé à une mauvaise observance. Par ailleurs, l’efficacité de sa version « stricte » est comparable à celle plus large sur le contrôle de l’ascite. Pour cette raison, une restriction modérée (5 g NaCl/j) est préconisée. Elle est proche des apports recommandés chez le sujet sain par le Programme national nutrition santé (6 g NaCl/j). Au vu du caractère anorexigène de la restriction sodée, il ne faut en aucun cas la prescrire à un patient déjà anorexique. Un régime pauvre en protéines n’est pas indiqué, même en cas d’encéphalopathie, en raison de son caractère cachectisant. 

4) Autres mesures

  • Mesures d'accompagnement du patient et de son entourage si nécessaire (soutien médical, psychologique et social, information sur les complications, contact avec les associations de malades).
  • Prise en charge à 100 % au titre de l'ALD 30.

ÉVOLUTION/PRONOSTIC

A) Utilisation de scores pronostiques

Deux scores sont couramment utilisés pour évaluer le pronostic au cours de l'évolution de la cirrhose : le score de Child-Pugh et le score MELD.

1) Score de Child-Pugh

  • Le score de Child-Pugh correspond à la somme des points pour tous les items.
    • La classe A correspond aux malades dont le score est de 5 ou 6.
    • La classe B correspond aux malades dont le score est compris entre 7 et 9.
    • La classe C correspond aux malades dont le score est compris entre 10 et 15.
  • Le score de Child-Pugh est un score pronostique simple et très utile pour le suivi de la cirrhose et qui a été largement validé pour prédire la survie à un et deux ans, qui est respectivement de 100-85%, 80-60% et 45-35% chez les patients atteints d’une cirrhose Child-Pugh A, B et C.1 1
  • Ce score permet également, associé à la taille et aux particularités endoscopiques des varices œsophagiennes, d’évaluer le risque hémorragique par rupture de varices œsophagiennes. Ainsi, à paramètres endoscopiques égaux, le risque hémorragique est plus élevé lors d’un score de Child-Pugh C que A.1

  • De nombreuses études ont confirmé que le score de Child-Pugh était significativement corrélé à la morbidité et mortalité per- et postopératoire des patients cirrhotiques.1 1 1 Il fait donc partie de l’évaluation de routine du risque opératoire chez ce type de patients.

  • Il est important de souligner que ce score n’est pas statique, mais évolue avec le temps et en reflète la gravité du mo­ment. Il doit donc être recalculé régulièrement. Par exemple, un patient atteint à un temps donné d’une cirrhose de Child-Pugh C peut être classifié Child-Pugh A, six mois plus tard, si son état clinique et biologique s’est amélioré.

  • Ses inconvénients sont premièrement liés au caractère subjectif de l’évaluation de l’importance de l’ascite et du stade de l’encéphalopathie. De plus, les paramètres vont être quantifiés différemment en fonction de la technique de mesure (par exemple : examen clinique ou ultrason pour l’ascite) et du traitement en cours (par exemple : diurétiques pour la quantité d’ascite et lactulose pour l’encéphalopathie). Pris ensemble, ces facteurs de variation peuvent modifier significativement le score. D’autre part, l’aspect discriminant du score de Child-Pugh est peu précis et souffre d’un effet plafond. En effet, le taux de bilirubine n’est plus discriminatif au-dessus de 50 μmol/l. Ainsi, des patients avec une bilirubine à 60 μmol/l ou 150 μmol auront le même nombre de points, alors que leur pronostic est clairement différent. La même remarque s’applique à l’albuminémie en dessous de 28 g/l. De plus, la classification en seulement trois stades ne donne qu’une appréciation assez grossière du degré de sévérité de la maladie.1

 

2) Score MELD (Model for End-Stage Liver Disease)

  • Le score de MELD (bilirubine, INR et créatininémie) est un moyen d'évaluer la gravité d'une maladie chronique du foie.
  • Il est calculé selon la formule suivante (des sites en ligne permettent le calcul des logarithmes) : Score MELD = 3,78 x ln( bilirubine [mg/dl] ) + 11,2 x ln( INR ) + 9,57 x ln( créatinine [mg/dl] ) + 6,43. 1
  • À l'inverse du score de Child-Pugh, le score MELD est un score continu variant de 6 à 40 points.
  • Utile dans nombre de situations cliniques en hépatologie, le MELD a été initialement développé pour prédire la survie des patients après pose élective de TIPS (transjugular intrahepatic portosystemic shunt).1 Il a ensuite été validé pour prédire le risque de mortalité à trois mois sur d’importants collectifs de patients souffrant d’une grande variété de maladies chroniques du foie (figure 1).1 1
  •  C’est surtout en transplantation hépatique que le score MELD s’est imposé (en dehors du carcinome hépatocellulaire [CHC]). Ce score permet dans un premier temps d’identifier les patients susceptibles de bénéficier d’une transplantation (MELD > 15), qui doivent être référés à un centre de transplantation pour évaluation.1
  • Le MELD peut également être utilisé pour prédire la mortalité à court et moyen termes (trois à douze mois) dans plusieurs situations cliniques, telles que le TIPS, l’hépatite alcoolique, le syndrome hépatorénal de type 2,1 le sepsis dans un contexte de cirrhose,1 l’insuffisance hépatique aiguë et la rupture de varices œsophagiennes.1 On peut également l’utiliser pour évaluer le risque de mortalité postopératoire pour les chirurgies majeures chez les patients atteints de cirrhose.1 1 1

 

CAS PARTICULIERS

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